Publication de chiffres clés sur l’érosion côtière par le Cerema - analyse

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couverture Cerema connaissance du trait de côte

En décembre 2019, le Cerema a publié son rapport sur « l’évaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte », qui dénombre les bâtiments menacés par l’érosion côtière à l’horizon 2100 à l’échelle nationale (métropole et outre-mer), et qui évalue la valeur économique immobilière de ces enjeux menacés.

Tout comme l’avait fait le GIP Littoral dans le cadre de l’étude sur l’actualisation de la sensibilité de l’Aquitaine à l’érosion côtière de 2018, le Cerema a développé pour cette évaluation plusieurs scénarios d’évolutions du littoral et de l’érosion côtière. Ces derniers vont du maintien de l’ensemble des ouvrages de protection en place sur le littoral, jusqu’à leur « effacement » systématique, de manière à simuler un retour complet du littoral national à un état naturel.

Le rapport du Cerema ne tire pas de conclusions sur les chiffres publiés. Il est néanmoins possible d’en faire ressortir les éléments suivants :

1. Selon le scénario le plus pessimiste, intégrant les taux de reculs les plus défavorables, et l’effacement de l’ensemble des ouvrages de protection existants, le constat est que 47 300 logements seraient menacés à l’horizon 2100, pour une valeur immobilière de 8 Milliards d’euros.

Ces valeurs très importantes représentent le coût de l’inaction face au recul du trait de côte. Elles montrent à quel point le risque d’érosion côtière concerne un nombre élevé de territoires et de citoyens, et un pan important de l’économie littorale à l’échelle nationale. Au vu de ces chiffres, il semble impensable de ne pas agir et de ne pas se doter de moyens pour gérer ce risque, que ce soit par la protection des enjeux par des méthodes de défense contre la mer, dures ou souples, ou par un repli stratégique des enjeux en dehors des zones à risque, là où cela est techniquement et économiquement pertinent au vu de la configuration des territoires.

2. D’un autre côté, selon le scénario le plus « optimiste », intégrant les taux de reculs conformes aux observations actuelles et le maintien des ouvrages de protection existants (sans en construire de nouveaux), le constat indique que « seulement » 5 000 logements seraient menacés à l’horizon 2100, pour une valeur immobilière de 800 Millions d’euros.

Ce sont des valeurs qui restent importantes, mais tout de même 10 fois inférieures à celles du scénario le plus pessimiste. Il est donc possible de considérer que si des enjeux littoraux doivent être concernés par la mise en œuvre d’un repli stratégique, il pourrait s’agir en priorité de ces enjeux actuellement non protégés, représentant un dixième des enjeux littoraux potentiellement menacés. De plus, ces valeurs sont à rapporter à la durée importante de la période considérée de 80 ans. En ramenant les chiffres à leur valeur annuelle, selon ce scénario, une soixantaine de logements serait menacée chaque année en moyenne, pour une valeur de 10 Millions d’euros. Ce chiffre, qui représente le coût potentiel nécessaire aux acquisitions des biens menacés en vue de leur démolition, indique un ordre de grandeur des moyens financiers à mettre en œuvre pour organiser le repli stratégique des enjeux menacés (dans le cas du maintien des ouvrages existants, dont l’entretien devra s’ajouter aux projections financières).

Ces montants semblent tout à fait atteignables au niveau national, au vu des efforts d’investissements publics consentis ces dernières années dans le cadre de la prévention des risques naturels : à titre de comparaison, dans le cadre de la politique nationale de défense contre les inondations, 1,3 Milliard d’euros ont été investis dans les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) entre 2011 et 2015, soit 325 Millions d’euros par an. Ces projets ont été subventionnés par l’État à hauteur de 524 Millions d’euros sur la même période, soit en moyenne 130 Millions d’euros par an.

En conclusion, les éléments apportés par le Cerema sur l’évaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte démontrent l’importance du sujet à l’échelle nationale, et l’impossibilité de se résoudre à l’inaction face à ces enjeux. Par ailleurs, le volume et le coût des enjeux menacés, dans le cas du maintien des ouvrages actuels, est tout à fait accessible en comparaison avec les montants des politiques nationales en vigueur dans le cadre de la prévention des risques naturels.

Il faudra dans le cas d’une orientation vers ce scénario, prévoir les études et les fonds permettant à la fois d’organiser :

  • la protection des enjeux dans les secteurs les plus denses (maintien, confortement et entretien d’une partie des ouvrages existants et mise en place d’actions de lutte souple/rechargements sédimentaires) ;
  • la mise en œuvre du repli stratégique des enjeux dans les autres secteurs, là où cela représente le scénario le plus efficace et pertinent au niveau technique, économique et environnemental (à l’aide d’outils juridiques adaptés à mettre en place).

 

Il s’agira donc, au vu de la configuration des territoires, d’identifier au niveau local les meilleurs scénarios d’actions, combinant de façon mesurée la défense contre la mer et le repli stratégique, là où chacun de ces modes de gestion du risque est le plus pertinent. Le co-financement de ces dépenses d’investissement et d’entretien semble tout à fait atteignable, dans la mesure ou serait mis en place un dispositif de définition et de labellisation de stratégies locales et de programmes d’actions de gestion de l’érosion, similaire à celui existant pour la gestion des inondations fluviales ou littorales par exemple. Ces stratégies locales de gestion, à l’image de celles mises en œuvre depuis 5 ans sur le littoral en Nouvelle-Aquitaine, devront être basées sur des études techniques, environnementales et juridiques sérieuses, intégrant les impacts de long terme et recherchant une optimisation des choix dans le sens de l’intérêt général, en lien avec la planification et l’aménagement des territoires. Elles devront être co-construites avec l’ensemble des acteurs publics concernés (collectivités locales, État, financeurs), et partagées avec le grand public pour favoriser leur acceptabilité. C’est à ces conditions que pourra être mise en œuvre une réelle gestion intégrée et un développement durable des territoires littoraux soumis au risque d’érosion côtière.